On parle beaucoup ces derniers temps du monde d’après. D’après la crise. Laquelle ? Celle du Covid-19, la crise économique, la crise climatique, … ? Finalement, en prenant un peu de recul, on s’aperçoit que nous vivons au rythme des crises successives qui appellent à chaque fois un sursaut, un changement. Toutefois, il ne m’apparait pas clairement que nous mettions en place ces changements que nous appelons tant de nos vœux… pieux ?
Or, nous en sommes bien là, une nouvelle fois. Une nouvelle fois, nous avons l’opportunité d’apporter un grand changement de société. Allons-nous (enfin) la saisir ?
Si c’est ce que nous voulons, alors je crois qu’il convient de sortir des clichés véhiculés à chaque crise. Les clichés des réponses toutes faites, comme si toute solution devait être radicale, comme si le monde était binaire, comme si, il avait toujours fallu faire ceci ou cela, sans qu’on ne le fasse… et pour cause.
On nous présente principalement deux hypothèses, deux projets de société.
Il y a d’un côté ceux qui défendent notre modèle de société pré-covid. En disant certes qu’il y a des défauts mais que ce n’est pas notre système qui est en cause. Ceux-là ne voient rien à redire sur notre modèle consumériste basé sur le productivisme qui veut qu’on maximise les rendements par toujours plus de production. Pourtant, ce modèle de société montre des limites et de nombreux défauts comme son impact sur l’environnement, sa surexploitation des ressources naturelles, son impact social qui crée une tension entre détenteurs du capital et ceux qui n’ont comme revenu que celui de leur labeur.
A l’autre extrémité, nous avons ceux qui défendent le contre-modèle finalement du précédent. A savoir un modèle économique décroissant basé non plus sur la compétition mais sur l’entraide. Et qui prône un retour aux « vraies » valeurs et est ouvertement anti-progrès. Là aussi, la vision est binaire, manichéenne en ce qu’elle part du principe que tout ce qui est naturel est bien, et que tout ce qui est technologique est par définition mal.
Or, on sait bien que notre modèle actuel a produit certes énormément d’inégalités mais a aussi permis un essor scientifique et technologique qui a notamment pour résultat que nous avons l’espérance de vie la plus longue qu’ait jamais connu l’humanité, et de très loin.
Je crois que pour changer notre modèle, il faudra trouver une troisième voie, une voie intermédiaire, en ce qu’elle sera beaucoup plus nuancée et tenant compte d’un très large ensemble de paramètres et essayant de ne pas faire l’impasse sur ce qui dérange le modèle théorique. Ce n’est qu’alors que ce nouveau modèle de société pourra susciter l’adhésion du plus grand nombre et s’imposer démocratiquement.
Pour cela, il y a deux mots-clés à prendre en compte : humilité et sincérité.
Il faut être humble car il faut reconnaître que chacun, à titre individuel, nous ne détenons pas « la » solution. Le changement n’arrivera que parce qu’il sera collectivement partagé.
Il faudra que le prochain modèle englobe l’ensemble de notre société. Il ne s’agit pas d’envisager le vivre-ensemble idéal comme étant celui qui nous conviendrait le mieux, à nous-mêmes. Ce serait là retomber dans un modèle spécifique qui par définition ne pourra susciter la plus large adhésion.
Il faudra aussi être sincère car pour réussir à construire ou plutôt co-construire notre nouveau modèle de société, il faudra nécessairement que le citoyen puisse participer au processus. Il faut aussi agir, en tant qu’autorité politique, chacun à son niveau pour porter cette réflexion, la traduire en actes concrets. Joindre les actes à la parole.
Au niveau de mon action politique, comment cela peut-il se traduire ?
Étant donné l’importance de rassembler le plus largement possible pour construire le monde de demain, je suis convaincu qu’il nous faut ouvrir les cercles de réflexion et faire participer les citoyens à cette démarche constructive. A la réflexion mais aussi à des actions concrètes de solidarité entre chaque acteurs de la société.
C’est pourquoi, lorsqu’il est apparu que la crise du Covid-19 entraînait une pénurie de main d’œuvre saisonnière pour les récoltes maraîchères, j’ai proposé au Collège provincial de créer une plateforme citoyenne permettant à nos citoyens de proposer leur services aux producteurs locaux de notre territoire.
Notre alimentation est primordiale, on le sait tous, c’est la base d’une bonne santé. Il convient donc de permettre d’une part à nos producteurs locaux de pouvoir travailler de manière sereine et dans un second temps que l’ensemble de la population puisse bénéficier des bienfaits sanitaires et gustatifs de leurs productions.
Concernant l’accès aux produits locaux pour l’ensemble de nos concitoyens, je travaille avec mon administration et le Bureau économique de la Province à mettre en place un hall-relais logistique visant à distribuer les produits de nos producteurs locaux dans nos cantines scolaires mais aussi dans les supermarchés.
L’objectif est de permettre à tout un chacun de pouvoir avoir accès à ces produits sans devoir nécessairement se déplacer soit dans une coopérative, soit chez le producteur lui-même. Et d’éventuellement devoir en faire plusieurs pour réaliser l’ensemble de ses courses.
La Province apportera un soutien logistique par le conditionnement des productions pour la grande distribution et le respect des normes de l’agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire. Elle encadrera aussi les relations producteurs-enseignes par des accords-cadres visant à éviter toute pression sur les prix.
Ces deux projets ne sont évidemment que de petites pierres apportées à l’immense édifice à construire. Mais c’est en agissant concrètement, chacun à son niveau, élus et citoyens, que nous pouvons commencer à construire le monde d’après, le monde de demain.